La revue culturelle de l'Université de Lausanne
Fécule 2025 - Je veux voir Mioussov
Auxane Bolanz et Orane Gigon
24 juin 2025 à 19:50:22
Un quiproquo entre deux personnages, c’est amusant. Un deuxième, par dessus, qui vient compliquer la résolution, ça ajoute encore un trait humoristique. Avec Je veux voir Mioussov, écrit par Valentin Kataïev en 1947 et reprit par le Dossier K à Fécule, ce n’est pas moins de cinq quiproquos qui font de cette pièce une comédie rocambolesque sur fond de communisme russe de la fin des années 40.
Bienvenue dans la maison de repos la moins calme de Moscou ! C’est aux Tournesols que les grands noms de la capitale viennent se reposer le dimanche. Ce qui est pratique lorsqu'on cherche quelqu'un pour lui faire signer un papier urgent. C’est ce que veut Zaïtsev, qui cherche à voir Mioussov pour une autorisation d’achat de peinture qui servira à repeindre les petits lits de cent-cinquante orphelines et orphelins. Malheureusement pour lui, sans être un grand nom, on n’entre pas, à moins d’avoir son contrat de travail pour prouver le besoin de se reposer. Zaïtsev n’est pas quelqu’un de connu, et comme il a oublié son contrat chez lui et qu’il ne veut pas faire l’aller-retour, il se fait passer pour le mari de la célèbre Klava Igniatiouk. Cependant, celle-ci arrive aussi à la pension, pour y retrouver son mari (le vrai). En même temps, Mioussov se cache de tout le monde, parce qu’il a été gentil avec une femme dont le mari pourrait venir se venger d’un moment à l’autre. Au milieu de tout ceci, le personnel de l'établissement tente de s’occuper de chacun et chacune, en leur proposant différents soins, alimentant au passage les confusions en diffusant des rumeurs (qu’iels pensent vraies) sur certain.e.s pensionnaires. De manière générale, le rythme de la pièce est très bon, que ce soit à l'intérieur des répliques, entre elles et même entre les scènes. Il se passe toujours quelque chose, et l’accumulation de quiproquos, dans l’intrigue principale comme dans les histoires secondaires, fait continuellement se demander comment les personnages vont finalement s’en sortir. Attention toutefois, le spectacle était bien plus long qu’annoncé (2h au lieu de 1h30). Peut-être certaines parties auraient pu être coupées, car le public finit un peu par s'essouffler de la longueur et de la complexité de l’intrigue qui finit, pour certains personnages, par tourner en rond. Cependant, les nombreuses apparitions du titre “Je veux voir Mioussov” dans les dialogues des personnages aident à structurer et à rappeler la base de tout le spectacle. En effet, ce n’est pas uniquement Zaïtsev, mais également trois autres personnes qui finissent par chercher Mioussov qui se cache toujours. La comédie a une fin heureuse puisque tout se dénoue sur l'aveu de Zaïtsev, et les quiproquos sont éclairés.
Le jeu de la troupe est principalement basé sur les mimiques, ce qui accentue le comique des répliques et permet de donner une ambiance générale exubérante au spectacle. Lorsqu’un personnage est surpris, ou lorsqu’il ne comprend pas quelque chose, l’expression faciale et corporelle des comédiennes et comédiens reflète ces états avec une accentuation qui devenait parfois un peu trop importante. Les écarts de jeu étaient donc, par exemple, particulièrement marqués lorsque Mioussov et un Docteur de langues orientales étaient ensemble sur scènes, étant à deux extrémités d’intensité des réactions, ce qui nous fait sortir de l’histoire. Cependant, les multiples quiproquos et running gags nous reprennent très vite dans le tourbillon de l’histoire et nous font rapidement oublier les petits dérangements. Ajoutez à cela une troupe de treize comédiennes et comédiens, qui permet d’introduire de nouveaux personnages même au dernier acte afin de retourner définitivement la situation, ainsi qu’une utilisation très habile des décors et de l’espace scénique - notamment en ajoutant en arrière-scène une porte qui agrandit l’espace scénique et en cachant Mioussov, pendant plusieurs scènes, dans une grande horloge visible depuis le début de la pièce - et vous obtenez une mise en scène très imprévisible qui surprend du début à la fin. Ainsi, malgré quelques écarts de jeu et un spectacle particulièrement long, les surprises incessantes et le rythme effréné de la pièce ont embarqué les spectateurices, qui sont ressorti·e·s à la fois ravi·e·s et légèrement étourdi·e·s de ce tourbillon théâtral aussi déroutant qu’enivrant.
Je veux voir Mioussov, par le Dossier K
Mise en scène: Michal Maleika, Blandine MoulinJeuLeticia Bouzas Gomez, Esther Chatelain, Ilian Guesmia, Soan Huber, Veronica Lukyantseva, Eugénie Magneron, Lora Mastromatteo, Alasdair McMullin, Rika Ota, Alberts Reisons, Lucie Schneider, Pia Schnurr, Louis Travers
Régie: Sacha Arsenijević