La revue culturelle de l'Université de Lausanne
Fécule 2025 - Zazie dans le métro
Auxane Bolanz
24 juin 2025 à 16:18:34
Zazie, c’est une enfant qui souhaite par-dessus tout aller visiter le métro parisien. Dans le roman de Raymond Queneau (1959), l’enfant espiègle fait la rencontre de nombreux personnages alors qu’elle est sous la garde de son oncle, Gabriel. La troupe The Caulfields a adapté le roman en spectacle, reprenant les codes comiques du burlesque et de la parodie.
Alors que le roman a plus de 65 ans, les questionnements d’identité et d’appartenance qu’il soulève sont encore tout à fait d’actualité. The Caulfields ont fait une adaptation très moderne et truffée de références à la pop culture de ces vingt dernières années tout en gardant l’esprit déjanté de l’histoire originale. Le spectacle présenté à Fécule raconte l’histoire de Zazie, une jeune fille dont l’âge n’est pas précisé (et peut-être même que celui-ci n’a pas d’importance). Elle se rend à Paris avec sa mère célibataire qui vient y voir un amant, et va donc passer une semaine chez son oncle Gabriel. Alors qu’elle ne souhaite qu’une chose – visiter le métro parisien – on le lui refuse d’abord parce qu’il y a grève, puis parce que ce n’est pas pratique. Alors que Zazie fugue avec la ferme intention de trouver le métro, elle se perd et fait la rencontre de nombreux personnages, tous plus excentriques les uns que les autres. C’est donc par petites touches que le spectacle nous amène à voir ce qui questionne le rationnel. Un homme grenouille peut-il porter des Blue Jeans ? Est-ce qu’un chauffeur de taxi peut avoir un accès privilégié à la Tour Eiffel ? Le décalage entre la narration et la mise en scène renforce le comique presque absurde du spectacle.
Bien que la scène reste principalement vide de décors, la dynamique du jeu des acteurs et actrices rend facilement compte des situations et moments qui sont joués. Tantôt en voiture dans les bouchons, tantôt au marché aux puces, ce n’est qu’avec quelques accessoires qu’est mise en scène cette adaptation. Les plus gros décors sont un flipchart à roulettes, une table à roulettes, et deux chaises, à roulettes elles aussi. Ces dernières rendent très mobiles ces quelques éléments de décors qui sont donc facilement envoyés sur scène depuis les coulisses, ou inversément rangés en un rien de temps grâce à d’habiles roulés dans la bonne direction. Au-delà de ces quelques éléments qui aident à poser des décors et des situations, la pièce se crée une forte identité visuelle en utilisant presque qu’une seule couleur (outre les variations du blanc au noir) : le vert. Les boissons sont vertes, chaque personnage porte au moins un vêtement ou un accessoire vert, et les écrits et dessins sur le flipchart sont aussi verts. Faire le choix d’une couleur phare permet à la mise en scène d’affirmer l’excentricité du spectacle.
La politisation très actuelle du spectacle aident à l’ancrer dans notre époque. Alors que des questionnements autour des normes sociales se font courantes dans certaines tranches de la population, les partis pris de la mise en scène permettent de se confronter à certaines idées, tout en gardant cette distance qui est généralement convenue entre un spectacle et son public. Certains mots sont transformés, comme s’ils étaient tabou et que les prononcer clairement en révélerait le sens caché, ajoutant au questionnement de l’usage de ces mots une dimension comique qui permet de prendre du recul. De plus, l’utilisation d’autres langues, et pas uniquement du français, appuient la pluriculturalité inhérente à la capitale française. C’est une ville plurielle, ou l’on y vient peut-être pour y voir un monument, mais dont on repart grandit – vieillit peut-être même, selon Zazie – grâce aux nombreuses rencontres qui peuvent s’y passer.
Zazie dans le métro, par The Caulfields
Texte: Raymond Queneau
Adaptation du texte: Brian Aubert, John Strübi
Mise en scène: Brian Aubert
Jeu: Arya Cagin, Elise Cattiaut, Benjamin Davis, Malo Favrod, Lou Grangier, Norah Olivier, Simon Philipona, Matéo Pical, Camille Salamin, Jérémy Da Silva Salvador, Geoffrey Sevestre, John Strübi
Régie: Antoine Klotz
Création sonore: Lou Mey
Chorégraphie: Jean Prautzsch
Première partie: Adrien Bayard